Après six années consacrées à la transformation et au développement de la Chambre de Métiers et de l’Artisanat Hauts-de-France (CMA HDF) aux côtés de Simon Claverie, en qualité d’adjoint au secrétaire général de l’établissement, Vincent Minier s’apprête à quitter ses fonctions à la fin de l’année. Tout au long de son parcours, cet ingénieur agronome de formation a participé de manière significative aux deux fusions successives des chambres de la région Hauts-de-France, et au développement de leurs missions.
Son départ en décembre prochain marque la fin d’une étape importante pour l’établissement, qui a bénéficié de son leadership et de sa bonne connaissance du réseau.
Diplômé de l’Ecole nationale supérieure agronomique de Toulouse, vous avez été secrétaire général administratif à l’Assemblée des départements de France, puis occupé le poste de directeur des moyens à l’Assemblée Permanente des Chambres de Métiers (APCM devenue CMA-France), renforçant ainsi votre expérience dans la gestion d’institutions publiques. Comment se retrouve-t-on à la Chambre de Métiers et de l’Artisanat ?
Vincent Minier : Ma formation initiale démontrait déjà quelque part, mon intérêt pour l’aménagement du territoire, et pour l’action des institutions publiques… Au milieu des années 90, j’ai appris par le directeur de l’Assemblée Permanente des Chambres de Métiers (APCM) qu’il y avait une importante restructuration de l’établissement. Je suis entré à l’APCM avec pour mission notamment de gérer l’administration du bâtiment de l’avenue Marceau à Paris, dont les ressources humaines et financières. C’était une opportunité d’œuvrer d’une nouvelle manière pour le développement du territoire. Quelques années plus tard, après avoir passé l’examen d’aptitude aux fonctions de secrétaire général, j’ai été nommé au poste de secrétaire général adjoint de la CMA Nord Pas-de-Calais. J’ai participé à la fusion de la Chambre de Métiers et de l’Artisanat du Nord avec celle du Pas-de-Calais, effective le 1er janvier 2011. J’ai connu ensuite l’élargissement aux départements de la Picardie avec la régionalisation de la CMA Hauts-de-France en janvier 2018.
Vous êtes secrétaire général adjoint de la CMA HDF depuis 2018. Quelles sont vos principales responsabilités aux côtés du secrétaire général ?
VM : En tant qu’adjoint du secrétaire général, Simon Claverie, je partage une certaine polyvalence pour assurer la permanence de la direction générale de l’établissement, mais au quotidien je suis plus spécialement le référent des quatre directions ressources : pilotage financier, ressources humaines, environnement du travail et patrimoine immobilier, et affaires juridiques.
Quels sont les enjeux auxquels vous êtes confronté à la Chambre de Métiers et de l’Artisanat ?
VM : Les enjeux, aujourd’hui, proviennent d’une profonde transformation des missions des CMA et de nos financements du fait de la réforme de l’apprentissage et de la crise des finances publiques. Il s’agit de trouver un nouveau modèle économique et de maintenir nos fonctions de service aux entreprises, mal financées par les fonds publics, tout en développant notre activité de centre de formation. Cela se traduit en interne, par le fait de préserver les emplois et de faire vivre l’établissement.
« L’artisanat doit rester le fer de lance des proximités »
Selon vous, quels sont les principaux défis à relever aujourd’hui dans l’artisanat dans les Hauts-de-France et plus largement en France ?
VM : Selon moi, les défis sont de réussir à accompagner un secteur artisanal en tension avec des moyens de plus en plus réduits et dans certains domaines, une concurrence de plus en plus présente. Nous sommes la seule institution à pouvoir faire la synthèse entre la création des entreprises, leur développement, la formation de tous leurs acteurs et l’aménagement du territoire. Nous sommes très fortement concurrencés (notamment dans certaines filières) ce qui a du coup fragilisé notre mission d’établissement public. Nous devons maintenir notre capacité à agir. Dans les Hauts-de-France, le nombre important de nos sites, au moins deux voire trois fois plus important qu’ailleurs, est une spécificité. Nous sommes par ailleurs la CMA avec la gouvernance la plus régionalisée de toutes. Cela nous confère une identité propre qui ne nous empêche pas d’être moteurs dans les dynamiques de mutualisations nationales, car toutes les CMA rencontrent aujourd’hui les mêmes problématiques.
Quels sont les projets ou initiatives stratégiques (développement durable, digitalisation…) que doit poursuivre selon vous la Chambre de Métiers dans les prochaines années ?
VM : Depuis 2022, nos élus ont adopté un contrat de mandature qui constitue la colonne vertébrale de nos actions. On y trouve effectivement le développement durable et la transformation numérique, qui sont deux leviers pour mener à bien les trois grandes missions du développement économique, du développement des compétences et du développement territorial. Les élus ont par ailleurs validé le fait d’attacher les activités de l’institution à la Responsabilité sociétale des entreprises (RSE), portée par le COMEX. Il nous reste à faire vivre l’identification de nos actions à cette RSE, et l’on s’aperçoit que de nombreux actes ont été déjà posés dans des domaines très divers tels que le Lab CMA, ou le marché global de performances passé qui garantit la performance thermique de nos bâtiments et des pratiques vertueuses d’économies d’énergie.
Quels partenariats pensez-vous utiles de développer pour soutenir davantage les artisans ?
VM : Les enjeux sont importants dans ce domaine, car la CMA doit tisser de nombreux partenariats pour mener à bien sa mission. On peut toutefois citer la collaboration avec les intercommunalités, qui laisse encore de vastes champs de développement pour autant que les financements publics ne subissent pas trop de contraction.
Comment envisagez-vous l’évolution du secteur artisanal pour les cinq à dix années à venir ?
VM : Je partage, avec toute la gouvernance de la CMA, l’idée que l’artisanat doit rester le fer de lance de l’économie des proximités. Ce sont des acteurs économiques de qualité, de proximité au service de territoires, en parfaite résonance avec notre époque. Le problème est que ces entreprises -avec leur capital humain inestimable, leurs valeurs et leurs compétences- sont sensibles aux aléas du marché. Ce secteur indispensable à notre quotidien nécessite des politiques dédiées. Il faut des politiques volontaristes, qui font aujourd’hui défaut dans le contexte de crise des finances publiques. Nous sommes dans une époque de plus en plus soucieuse de la qualité de vie, où paradoxalement les achats se font sur des plateformes et où le mode de vie de la population va parfois à l’encontre de la proximité artisanale qui garantit d’une certaine manière cette qualité. C’est toute une éducation collective à mener. Il faut continuer à être vigilants et pugnaces pour défendre ces valeurs de l’artisanat.
Vous vous apprêtez à quitter vos fonctions en décembre 2024, quelles sont vos plus grandes satisfactions à la Chambre de Métiers ? Avez-vous des regrets ?
VM : J’ai le sentiment d’avoir servi une cause importante et un domaine professionnel qui m’a passionné. J’ai accompagné un secteur rempli d’humanité et de passion, aux côtés de collègues très investis avec lesquels j’ai eu beaucoup de plaisir à travailler. Je suis fier des projets que nous avons menés à bien, notamment par la construction de quelques beaux centres de formation. Les collaborations développées au sein du comité exécutif ont été riches et fécondes.
Je ne suis pas de nature à éprouver des regrets. Je ne ressens pas ma vie professionnelle comme découplée de ma vie personnelle. Je n’ai donc pas le sentiment d’aller vers une rupture, j’ai encore plein de champs d’investissement à découvrir.
« Un établissement, en résonance avec mes valeurs et mes convictions »
Vous avez passé (pour votre satisfaction personnelle) votre CAP Cuisine cet été. Est-ce que cela a changé votre regard sur la filière ?
VM : J’ai beaucoup apprécié cette formation, c’était un plaisir personnel. J’ai apprécié la qualité de cette prestation de la CMA, cela m’a conforté dans le fait que nous avons un bel outil de formation. J’ai acquis de nouvelles compétences, c’était aussi une manière de sortir avec un bagage à transmettre.
Vous quittez notre établissement le 19 décembre. Que conserverez-vous de ces années à la Chambre de Métiers et de l’Artisanat ?
VM : Ce sera notamment la fin d’un parcours de 21 ans au sein du réseau CMA, en parfaite résonance avec mes valeurs et mes convictions. Je considère que c’est un grand privilège.
Une question, un peu personnelle : avez-vous l’intention de cuisiner davantage, une fois en retraite ?
VM : (sourire) Pas davantage, mais j’ai bien l’intention de faire fructifier la compétence acquise. J’ai plein d’idées pour transmettre ce savoir-faire depuis mon quartier, jusqu’à mes petits-enfants.
Crédit photos DR CMA HDF
Parcours (étapes les plus proches) :
De 2018 à 2024 : secrétaire général adjoint de la CMA Hauts-de-France
De 2010 à 2017 : secrétaire général adjoint de la CMA Nord Pas-de-Calais
De 2003 à 2010 : directeur des moyens à l’Assemblée permanente des chambres de métiers (APCM).
De 1995 à 2003 : secrétaire général administratif à l’Assemblée des départements de France