Juliette Coulon a longtemps cherché sa voie et c’est à 27 ans, qu’elle a réalisé qu’une formation en pâtisserie -les gâteaux ont toujours été un plaisir familial-, lui apportait bien plus que son Bachelor en communication évènementielle. Diagnostiquée tardivement TDAH*, elle fait aussi de son trouble d’hyperactivité notamment cognitive, un atout qui lui permet aussi de s’exprimer formidablement dans la pâtisserie. Et de trouver un épanouissement.
Longtemps, Juliette s’est efforcée de se conformer aux normes en suivant un schéma classique. « Je me souviens que la pâtisserie était un plaisir partagé en famille, avec ma grand-mère puis ma mère. A l’origine, je voulais même faire une école hôtelière mais mon père s’y est opposé, confiela jeune femme… »
Après un Bac L, Juliette choisit de s’orienter en Langues Etrangères Appliquées (LEA) à l’université d’Arras, mais au bout de cinq mois, s’ennuie très vite. « Je me demandais ce que je faisais là, ça ne me plaisait pas du tout… » se souvient-elle. Soutenue par sa mère, la jeune fille décide de préparer un BTS Commerce International au cours duquel elle effectue un stage en Espagne, qui va lui donner le goût du voyage. « Je ne savais toujours pas ce que j’allais faire, alors je suis partie comme « fille au pair » à Boston et j’ai adoré …Cette immersion qui m’a aussi permis de devenir bilingue, c’était génial. C’est là que j’ai commencé à faire des gâteaux pour les enfants dont je m’occupais et qui adoraient ça. » Juliette part ensuite à Los Angeles toujours dans le cadre de son statut de « fille au pair ». Au bout d’un an, même si elle se plaît toujours autant aux Etats-Unis, elle décide tout de même de rentrer en France.
Après l’évènementiel, une reconversion en pâtisserie
« Le retour a été compliqué, reconnait-elle, l’atmosphère américaine me manquait… Sans trop de conviction, j’ai entamé un Bachelor Chef de Projet Evènementiel à Lille. » Sur les conseils d’un professeur, Juliette s’inscrit en parallèle à une association pour l’aider à construire un projet entrepreneurial et est sélectionnée. Malheureusement, la pandémie vient tout bousculer et elle doit remettre ses objectifs à plus tard… « En attendant, j’ai commencé à travailler chez Airbnb en tant que conseillère client. Ce n’était pas inintéressant, reconnait la jeune femme, mais je ne me voyais pas continuer à travailler sur une plateforme… Et puis la pâtisserie me trottait toujours dans la tête, alors en 2021, je me suis renseignée pour une reconversion. »
C’est ainsi que Juliette s’est lancée dans un CAP Pâtisserie au CFA de Tourcoing, tout en travaillant en alternance chez Meert, le pâtissier emblématique de Lille. « En reconversion, on se remet toujours beaucoup en question, donc parfois ce n’était pas simple, admet-elle, mais j’ai eu de bons professeurs qui m’ont toujours soutenue et conseillée mais aussi beaucoup transmis. » Confiante et motivée, la jeune femme s’inscrit donc en Mention Complémentaire (qui devient Certificat de Spécialisation à la rentrée 2024, Ndlr) et poursuit avec un BTM pâtisserie au CFA d’Arras en 2023. Parallèlement, elle entame une alternance au labo pâtisserie du Casino Barrière de Lille. « Là aussi, j’apprends beaucoup, notamment avec Etienne Houvet, le chef cuisinier pâtissier, qui est super créatif. »
Un trouble de l’attention qui révèle sa créativité
C’est à cette époque que Juliette, qui a, depuis longtemps, de grosses difficultés de concentration, décide de se faire diagnostiquer et découvre qu’elle souffre d’un trouble de l’attention appelé TDAH, qui altère les fonctions attentionnelles et exécutives.
« Cela explique ma difficulté à prioriser, mon inattention, mon hypersensibilité aussi…que j’ai longtemps intériorisées. Finalement, je réalise que mieux on se connait, moins on se dévalorise. Être neuro divergente comme moi, c’est bien pour la créativité, qui est décuplée avec ce trouble mais c’est moins facile pour la technique qui me fait parfois défaut. Mais j’apprends … » révèle-t-elle.
Un diagnostic qui l’a libérée puisque depuis, Juliette apprend à utiliser cette « différence » et essaie de mieux vivre avec. « J’en ai informé mon prof qui m’aide énormément ; parfois ce n’est pas simple mais j’ai beaucoup de chance de travailler avec quelqu’un d’aussi compréhensif et à l’écoute. D’aussi bienveillant. J’ai trouvé ma voie avec cette reconversion et cette formation, toutes ces expériences m’ont permis d’arriver là où je suis aujourd’hui. Je suis faite de tout cela, cela m’a enrichie aussi même si j’ai souvent douté… » Après l’obtention de son BTM fin 2025, Juliette nourrit le projet de se lancer dans la création d’un salon de thé original avec une amie pâtissière. « Les gâteaux ça n’a pas besoin d’être compliqué, ce qui compte c’est ce qu’on a mis dedans, notamment de l’émotion. La pâtisserie pour moi, ça a toujours été un partage, c’est comme un « moment », ça crée des souvenirs aussi. Je mets de l’amour dans mes gâteaux » dit-elle en souriant. Elle se laisse aussi l’opportunité, peut-être un jour, de retourner aux Etats-Unis …
Le parcours de Juliette nous conforte dans la certitude que la diversité humaine est une véritable source de richesse, que chacun a des talents à offrir. La rencontre de bons formateurs, qui ont favorisé l’envie et la confiance, a certainement contribué aussi à cette reconversion réussie. Une histoire qui rappelle cette citation d’Aristophane : « Former les hommes ce n’est pas remplir un vase mais allumer un feu. »
A Juliette, à présent, de continuer à alimenter cette flamme…
*TDAH (Trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité) qui affecte la capacité à se concentrer, à contrôler ses impulsions, et(ou) à modérer son activité motrice.
Photo DR JC