Dans le cadre de la Journée nationale du fromage, célébrée le 27 mars, nous avons choisi de mettre en lumière le maroilles et pas n’importe lequel : le meilleur au monde, celui de la fromagerie Lesire et Roger dans l’Aisne.
L’Avesnois, dont les limites se confondent avec le Nord et l’Aisne, est l’écrin d’un trésor. Le maroilles. Des pâturages propices à la production laitière ont favorisé un terroir unique qui a créé l’identité du seul fromage AOP des Hauts-de-France. D’abord collecté au Xè siècle, comme paiement de la dîme auprès des fermiers, puis affiné à l’abbaye bénédictine de Maroilles, le « plus fin des fromages forts » s’est forgé une belle réputation, tout en traversant les époques, puis une véritable notoriété. Pour découvrir ce produit d’exception, il faut traverser la forêt de Fourmies, en Thiérache et dans le village de Mondrepuis, pousser la porte de la fromagerie Lesire et Roger dont le maroilles a été distingué en novembre 2023, Meilleur fromage au monde. Une consécration.
Depuis cent ans, l’établissement perpétue son savoir-faire fromager en fabriquant toute une gamme de produits réputés, régulièrement médaillés.
Aux côtés de son père Philippe, Alexandre Roger, épaulé par une trentaine de personnes, fait vivre cet héritage familial. Avec simplicité, discrétion. Et beaucoup de talent.
Quelle est l’histoire de la fromagerie Lesire et Roger qui a eu cent ans en 2023 ?
A l’origine, il y a deux hommes : Camille Lesire et Emile Roger, grossistes en beurre et du fromage, devenus associés en 1942 pour créer une laiterie qui s’est mise à fabriquer ses propres fromages et notamment du maroilles au début des années 50. Les familles ont fini par s’allier lorsqu’une demoiselle Lesire a épousé un monsieur Roger (sourire). La fromagerie a poursuivi son activité jusqu’à aujourd’hui, développant expérience et savoir-faire de fromages de lait de vache à croûtes lavées, à savoir 80 % de maroilles, du Vieux Lille (avec une base de maroilles mais plus salé), la Boulette d’Avesnes et le Rollot. Personnellement, je ne pensais pas reprendre la suite, mais la sensibilité patrimoniale a pris le dessus et je ne l’ai jamais regretté…
Le parcours de votre établissement est très brillant, comment en arrive-t-on à un tel niveau d’excellence* ?
Nous avons d’abord la chance d’avoir un terroir exceptionnel dans l’Avesnois.
L’AOP est en lien avec les paysages, il y a très peu de transition entre bocage et pâture (90 mètres de bocage linéaire obligatoire par hectare pour déterminer l’AOP). Cela donne au lait un goût unique que l’on retrouve dans la fabrication du fromage. Au fil du temps, nous avons acquis une belle maitrise de l’affinage. C’est un travail d’ensemble qui demande beaucoup de travail et d’exigence de la qualité. C’est le contraste d’arômes qui est apprécié dans notre maroilles. Il faut reconnaitre que le film de Dani Boon (Bienvenue chez les Ch’tis) a permis de faire découvrir le maroilles bien au-delà de la région, même si la façon dont le fromage est présenté (à tremper dans le café) n’est pas des plus valorisantes! (rires).
Dans notre fromagerie, on n’a jamais travaillé dans le but de rapporter des médailles, mais quand c’est le cas, on en est vraiment fiers. Mais on n’a pas pris la « grosse tête », on continue à travailler, d’être vigilants sur ce qu’on fait. Notre métier est très complexe techniquement. Chaque fromage est un défi ! Lorsque nous avons appris que notre maroilles avait remporté la distinction de Meilleur fromage du monde, on n’y croyait pas !
Pensez-vous qu’il y ait suffisamment de vocations dans la filière artisanale de la laiterie fromagerie?
Je pense qu’il n’y en a, ni plus ni moins que dans les autres filières artisanales, mais il y a peu de formations spécifiques à la laiterie fromagerie, il faut le reconnaitre. La filière laitière est méconnue et le savoir fromager est rare. Nous avons eu quelques apprentis ici, mais ce sont des métiers de passion qu’il faut avoir envie exercer. La formation d’artisan crémier fromager (inscrit au répertoire des métiers depuis 2015) est plus attractive depuis quelques années et se développe**.
Le premier musée du fromage ( 300 m2 ) avec une laiterie fromagerie, ouvrira ses portes sur l’île Saint-Louis à Paris au mois de juin 2024 ; on peut imaginer que le maroilles et notamment le Lesire et Roger y aura toute sa place ?
(Sourire) Ce musée c’est une bonne nouvelle, cela donnera de la visibilité à ces métiers méconnus. Je pense que les gens ont envie de savoir, de connaître. La France est le pays du fromage et nous comptons la plus grande variété dans notre région…
Le maroilles a d’ailleurs été plébiscité par les Français. C’est toujours intéressant de faire se rencontrer public et professionnels. Les visites sont toutefois compliquées au sein d’une laiterie en raison de l’hygiène fondamentale. Ici, nous réfléchissons à trouver le moyen d’animer des évènements à l’extérieur. Nous sommes d’ailleurs membres de la marque d’entreprises des Hauts-de-France, Saveurs en Or.
Quels conseils donneriez-vous aux amateurs de Maroilles pour apprécier l’exercice de la dégustation ?
Dans l’Avesnois, nous aimons les fromages jeunes mais en ville, on constate que les attentes sont sur des pâtes molles plus marquées. Je conseille donc de partir sur de gros maroilles qui sont plus contrastés dans la texture et qui offrent une plus grande palette aromatique. En accompagnement, pour rester sur une identité locale ou belge (toute proche), je conseillerai une bière trappiste, une Chimay ou une Orval.
Quant au Rollot, j’invite à le déguster avec un bon Sancerre rouge …
En plus de nouvelles médailles, avez-vous d’autres projets ?
Le but c’est d’être et de durer. Nous ne voulons pas nous endormir sur nos lauriers.
Nous aimerions nous développer davantage à l’extérieur… Nous avons également le souhait d’obtenir le Prix d’excellence au Concours général agricole de Paris qui récompense les producteurs pour l’excellence de leurs résultats, reçus lors des trois dernières sessions du concours. Il est très compliqué à obtenir. Mais c’est un bel objectif ! (sourire)
*Une pluie de médailles
Le maroilles de la fromagerie Lesire et Roger a remporté fin novembre 2023 la distinction de Meilleur fromage du monde au concours international des fromages de Lyon (pas moins de 1200 fromages venus de 17 pays différents).
La fromagerie participe depuis 2012 au concours général agricole de Paris et gagne chaque année, une voire plusieurs médailles, souvent en or… Le maroilles Lesire et Roger affiné entre 30 jours et 3 mois avait déjà remporté en février 2022 deux médailles au concours général agricole de Paris.
En 2023, la fromagerie a reçu quatre récompenses : une médaille d’or au concours international de Lyon pour son rollot de Picardie, deux médailles d’or au concours général agricole de Paris, l’une pour le maroilles « blason » de 750 g, l’autre pour le maroilles « mignon » de 375g et encore une autre médaille en argent lors du même concours, pour le maroilles sorbais de 550 g. Au concours général du Salon de l’Agriculture 2024, elle a obtenu la médaille d’or pour le maroilles et celle de bronze pour le sorbais.
** La formation de crémier fromager proposée à la CMA HDF (convention de partenariat avec la Fédération des Fromagers de France – FFF)
D’une durée de 12 à 24 mois, elle est dispensée à Lille et à Saint-Martin-Boulogne et sanctionnée par un diplôme de l’Education Nationale (CAP).
Vous apprendrez à devenir à la fois artisan-fabricant, technicien et commerçant de proximité. Le savoir-faire spécialisé de crémier-fromager vous permettra de conseiller les clients sur vos produits, leurs origines laitières et géographiques et vous pouvez même proposer des accords fromages et vins ainsi que des recettes à base de fromage.
Pour plus d’informations :
Formation de crémier – fromager – CMA Hauts de France (cma-hautsdefrance.fr)
Crédit photos : Lesire &Roger – CMA Hauts de France