Pouvez-vous vous présenter ?
Je suis Nicolas Lepreux, designer artisan à mon compte depuis trois ans. J’ai toujours eu envie de travailler avec mes mains et donner du sens à mes idées. C’est pourquoi j’ai choisi de travailler le bois et suivi plusieurs formations pour professionnaliser ma pratique. J’ai plusieurs spécialités, l’éco-design, l’illustration scientifique qui consiste à expliquer les sciences à travers l’objet et le dessin. Je cherche aussi à utiliser des matériaux ayant très peu d’impact sur l’environnement. Mes convictions me poussent aujourd’hui à travailler autour du design organique : penser le vivant et la nature à toutes les échelles de fabrication.
Pouvez-vous nous parler de votre projet « pagayez autrement » ?
Je me suis demandé comment les objets peuvent avoir un impact bénéfique sur l’environnement et sur l’utilisateur. Comment amener les gens à aller davantage à l’extérieur, dans la nature, comprendre leur environnement. Pour moi, être sur l’eau est le meilleur élément pour cela. C’est une ressource rare, victime de pollution et à protéger. Ayant pratiqué le kayak, je suis frappé par la quantité de matériel utilisée pour le peu d’utilisation qu’on a de cet objet. J’essaie de contrebalancer cela : penser des objets durables, fabriqués à partir d’éléments naturels et qui limitent aussi la quantité de matière dont on a besoin. C’est pourquoi j’ai travaillé à la conception de ce kayak 100% biodégradable et que je travaille aussi pour que l’équipement le soit : gourde, réchaud, sac de couchage…
Comment travailler-vous sur la recherche de nouveaux matériaux ?
Il a fallu réapprendre certaines techniques, faire plusieurs essais et beaucoup de temps pour arriver à des matières et des résistances optimales. Je lis beaucoup et m’inspire de peuples anciens, comme les Inuits, qui ont très peu subi l’industrialisation. Il a fallu travailler l’étanchéité de la coque avec différentes sèves d’arbre et de la cire d’abeille. J’ai utilisé plusieurs matériaux pour la structure, la coque et l’assise : bambou, épicéa, frêne, hêtre ou encore le liège. La structure en bois est transformée à la vapeur puis assemblée. Je n’utilise jamais de colle. Le kayak fait 16 kg, ce qui est très léger et mesure 4m50 de long.
Avez-vous déjà testé votre embarcation ?
J’ai déjà testé mon matériel et sa résistance dans l’eau de mer et l’eau douce. Je souhaite aujourd’hui concrétiser mon travail par une expérience unique. Je compte réaliser un périple en mer qui s’organisera fin juin, début juillet. L’itinéraire serait de partir de la frontière France/Belgique, longer le littoral par la mer sur 1500 km et descendre jusqu’à la frontière espagnole. Je ferai également du bivouac avec mon équipement 100 % naturel. Je vais tester tous ces prototypes en condition réelle. Cette idée de périple est symbolique et doit montrer qu’on peut faire beaucoup avec peu et presque aucun impact sur son environnement.
Comment la CMA vous accompagne sur votre projet ?
La CMA m’a permis d’obtenir la Charte Qualité ce qui est important pour moi car ça légitime mon travail. C’est une reconnaissance pour ma pratique que je peux valoriser à travers ma communication. J’ai aussi eu l’opportunité d’être accompagné sur de la mise en relation avec les acteurs de mon territoire ce qui m’a permis d’avoir des informations d’ordre juridique. Enfin, j’ai surtout intégré un réseau d’experts qui m’encadre et me renseigne au quotidien. On m’a également orienté vers des artisans pour collaborer sur d’autres aspects de mon projet. Par la suite, je projette d’écrire un livre dans lequel je développerai mes idées dans le domaine du design et de l’éco design. Je souhaiterais aussi poursuivre mes recherches et continuer à travailler les matières et notamment le bois, de manière innovante et respectueuse.