Professionnel de la pâtisserie depuis 43 ans, élu Vice-Président de la Confédération Nationale des Pâtissiers en 2014, Philippe Guilbert est depuis 2021, le Président Nord de la CMA Hauts-de-France. Cet infatigable défenseur de l’artisanat, qui se bat au quotidien pour promouvoir le métier de pâtissier et l’apprentissage, a accepté de nous parler de son rôle de président de département, des projets qui lui tiennent à cœur, tels que l’opération Meringues roses dans le cadre d’Octobre Rose, mais aussi de sa vision de la profession.
– Pouvez-vous évoquer votre parcours professionnel ? Avez-vous toujours été cet homme engagé, passionné, que l’on connaît aujourd’hui ?
Philippe Guilbert : Non, pas toujours (rire)… Quand j’étais jeune, je ne réalisais pas combien l’engagement est une chose importante. J’en ai pris conscience progressivement, avec l’expérience. La pâtisserie est une histoire de famille. Mes grands-parents, mon oncle, étaient pâtissiers et je me souviens que tout petit, j’avais déjà envie de faire ce métier.
A 8 ans, je me levais la nuit pour regarder travailler mon oncle. Je me faisais gronder (sourire) et il me disait d’aller me recoucher mais j’étais déjà fasciné par la pâtisserie…
A 15 ans, je suis entré, grâce à mon oncle, au CERIA à Bruxelles. Je me souviens que je travaillais en alternance dans un établissement qui fournissait les ambassades et le week-end je retournais à Tourcoing comme stagiaire dans une pâtisserie. A 18 ans, j’ai obtenu mon diplôme, l’équivalent d’un Bac Pro et j’ai travaillé comme pâtissier à Wasquehal. J’ai fait mon service militaire en Allemagne ; à 19 ans, je faisais des desserts pour les généraux aux quatre coins du pays ! (rire) Après l’armée, je suis retourné à la pâtisserie de Tourcoing où j’avais travaillé tous les dimanches, j’ai été réembauché et j’y suis resté 12 ans. En 1995, j’ai repris la pâtisserie Debruyser à Valenciennes que j’ai rebaptisée Gourmandine. C’est à ce moment-là que j’ai pris aussi la mesure de l’importance de l’artisanat, en m’impliquant de plus en plus.
– Vous êtes devenu président de la Fédération Régionale de la pâtisserie en 2012 puis Vice-Président de la Confédération Nationale des Pâtissiers en 2014, qu’est-ce que cela a changé ?
P.G : Cela a changé encore davantage ma perception des choses sur le métier. J’ai réalisé aussi à quel point la pâtisserie est une communauté. Parallèlement à mon métier de pâtissier, j’ai été professeur au CEFMA de Tourcoing pendant cinq ans, cela m’a permis aussi de transmettre la passion du métier. J’ai d’ailleurs toujours privilégié la satisfaction dans mon travail plutôt que la rentabilité.
« Avec le président Rigaud, c’est 25 ans d’amitié, de combats ensemble »
– Président Nord de la CMA HDF depuis 2021, c’est une présidence de proximité, comme l’a souhaitée le président Laurent Rigaud. Cette proximité est-elle, selon vous, toujours aussi incontournable, encore plus aujourd’hui ?
P.G : Oui, elle est absolument incontournable parce que cela offre la possibilité d’aller vers les gens. C’est aussi l’occasion de faire rayonner la cause de l’artisanat qui tient tellement au cœur du président Laurent Rigaud. Tous les deux nous partageons les mêmes valeurs. C’est aussi 25 ans d’amitié, de combats ensemble… J’ai été très touché lorsqu’il m’a proposé la présidence du Nord. Il y a une belle complicité entre nous, il a su aussi insuffler sa parole aux présidents de départements. Donc oui, la proximité c’est important. Nous devons être acteurs, pas spectateurs. Si je peux à ma façon, faire un peu changer les choses, tant mieux…
– Quelles sont, selon vous, les priorités en termes d’artisanat, aujourd’hui dans le département du Nord, le plus important de France avec 47 000 artisans ?
P.G : Le Nord est le département en France qui compte le plus d’artisans effectivement et 47 000 ce n’est pas rien ! … et à mon sens, la priorité est le recrutement, une mise en relation pertinente entre les recruteurs et les candidats. Il faut donc travailler sur ces aspects. Certains endroits dans le département sont aussi plus denses que d’autres et encore une fois la proximité est importante. C’est d’abord une question de volonté et d’intérêt collectif de chaque territoire… J’incite aussi les artisans à faire partie de leur communauté pour que les informations de recrutement notamment soient aussi plus faciles à partager.
– Des causes vous tiennent à cœur, notamment celles que vous portez depuis trois ans avec le président Laurent Rigaud, telles que l’opération Meringues Roses. Pouvez-vous nous expliquer ce qui a initié ce projet ?
P.G : C’est une idée qui a été lancée il y a environ cinq ans… et puis le président Rigaud a estimé que cela pouvait se démultiplier il y a trois ans pour toucher tous les artisans en fabriquant ces meringues roses pour venir soutenir la lutte et le dépistage contre le cancer du sein. Après l’U2P, c’est la CGAD* qui a repris l’opération avec la CMA cette année à la demande du président Rigaud. 150 000 meringues sont réalisées au cours du mois de septembre par les apprentis pâtissiers de 11 centres de formation CMA HDF.** La CGAD est chargée de la livraison de palettes dans les centres de formation et du ramassage. La distribution s’effectue via les commissions territoriales, les unions du commerce et les fournisseurs se chargent de vendre des cartons de meringues à leurs clients. Il y a 600 cartons de meringues fabriquées par 500 apprentis. C’est une opération de solidarité qui mobilise de plus en plus, une belle cause portée par les apprentis et les artisans. L’idée est d’intensifier cette opération l’année prochaine, élargir cette initiative à l’échelle nationale. Le projet pourrait alors être porté par toutes les CMA de France, afin de récolter encore plus de fonds pour les associations de lutte contre le cancer du sein. En novembre prochain, les apprentis leur remettront les bénéfices de cette opération. L’an dernier c’était un chèque de 40 000 euros. Un vrai succès pour une cause noble.
Il y a aussi d’autres causes importantes qui me tiennent à cœur en tant que président du département, comme la sobriété énergétique. Nous, les artisans, sommes les premiers à être conscients de la rareté de l’eau… Il faut également changer l’image de l’entreprise artisanale, plus moderne qu’avant et favoriser le bien-être au travail.
« Aujourd’hui il y a 3 500 pâtisseries en France pour 20 000 salariés »
– C’est une pâtissière chocolatière des Hauts-de-France, Océane Belin qui- après avoir obtenu la médaille d’Or régionale en 2023-, a remporté celle d’Excellence lors du concours mondial des World Skills 2024 les 13 et 14 septembre à Lyon. Que ressentez-vous et quel regard portez-vous sur ces jeunes apprentis, plus largement sur le métier de pâtissier aujourd’hui ?
P.G : La pâtisserie était une filière peu médiatisée auparavant. Aujourd’hui il y a 3 500 entreprises en France pour 20 000 salariés. C’est un métier très visuel où on peut s’exprimer aussi bien visuellement que gustativement. La profession se féminise depuis environ 10 ans et il y a aussi une montée en puissance depuis près de cinq ans… Cela exige minutie, patience, créativité, précision… Je suis admiratif de ces jeunes pâtissiers qui se surpassent. Océane Belin est une jeune fille remarquable, elle se transcende. Les concours sont des laboratoires d’innovation, dans un temps court. La ténacité, la volonté, le travail, c’est la clé de la réussite. C’est dans la continuité des Jeux Olympiques, qui nous ont fait vibrer cet été, ces World Skills.
– Comment voyez-vous l’avenir ?
P.G : La pâtisserie dans les années à venir va être source de créativité, d’ailleurs l’évolution est énorme en termes de techniques, d’équipement. On fera des choses de plus en plus complexes, incroyables.
Quant à mon activité de président, ma foi, j’aimerais que mon travail serve un peu … J’essaierai de rester le plus disponible possible pour ce réseau de gens qui nous aiment et qu’on aime. Moi, vous savez, je n’ai jamais privilégié les réseaux d’intérêt, tant qu’on fait les choses avec plaisir et simplement, il n’y a pas de lassitude.
A titre plus personnel, j’éprouve une très grande satisfaction à ce que mon fils Antoine ait pris la suite et que la pâtisserie Gourmandine perdure. Je suis heureux car il a plaisir à exercer son métier… C’est la plus belle des récompenses.
Photos DR CMA HF/ Fédération Régionale de la pâtisserie/ Artisan en Or/Ville de Valenciennes
*La Confédération Générale de l’Alimentation en Détail
**Les meringues seront vendues chez les artisans/commerçants partenaires de l’opération de la région Hauts-de-France, une affiche sera apposée sur leur vitrine (posez la question à votre artisan/commerçant)