Pour Carine Mastin, il y a eu la vie d’avant et la vie d’après. Le travail du bois, via l’art thérapie, a permis à celle qui est devenue artisane, de mieux affronter la maladie qui l’a frappée il y a dix ans. En créant Arbres 2 vies, elle y a puisé un très grand soutien émotionnel et physique mais aussi découvert ses talents de créatrice.
En pénétrant dans l’univers de Carine Mastin, ce qui émeut c’est la délicatesse des objets en bois qu’elle crée. La petite abeille sculptée sur une cuillère à miel, les petites barrettes, les photophores, les porte-clés, les couverts… Chaque création porte une petite étiquette qui raconte l’histoire d’un morceau de bois, découvert sur la côte d’Opale ou sur une plage d’Occitanie, glané au hasard d’une promenade en forêt ardéchoise ou revisité à partir d’un objet détourné. Mais Carine n’est pas une artisane comme les autres. Derrière le travail du bois qui rythme désormais son existence, il y a aussi une histoire douloureuse. Une vie bouleversée il y a dix ans par une maladie neurologique : l’algie vasculaire de la face. Cette pathologie méconnue est aussi un handicap invisible, physique et social.
« Pendant longtemps, j’ai eu une existence comme tout le monde, raconte Carine, la gorge nouée par l’émotion, j’étais sportive, je faisais de l’escrime, du tir sportif, j’adorais mon travail d’ AESH (Accompagnant d’élève en situation de handicap). Les douleurs ont commencé en 2013, et après de nombreux examens, l’année suivante, on a identifié une algie vasculaire de la face. Au début, j’ai adapté mon activité puis lorsque la maladie est devenue chronique et réfractaire, j’ai dû renoncer à travailler. J’ai été mise en congé grave maladie en 2019 ; progressivement j’ai commencé à souffrir d’autres pathologies, de graves problèmes digestifs, de neuropathie dans les jambes… J’ai été déclarée en invalidité en 2023.»
« Je trouve en moi des ressources inattendues »
Carine a dû s’adapter à la réalité de cette pathologie en entamant un long processus. Le soutien de ses proches est également primordial. « C’est une maladie qui isole, même si je suis très entourée, elle bouscule tout, mon corps mais aussi l’harmonie, l’équilibre familial, amical …Le plus compliqué c’est d’accepter, confie-t-elle. » Le quotidien de Carine est difficile mais la découverte de l’art thérapie, notamment le travail du bois, la sculpture et l’ébénisterie l’aident en quelque sorte à se réapproprier sa vie. « J’ai toujours eu une belle relation aux objets, j’aimais bricoler de mes mains…. En 2019, je m’y suis mise de façon régulière. La maladie m’a confisqué beaucoup de choses mais lorsque je travaille le bois, étrangement les douleurs s’estompent, je réalise aussi que je gagne d’une certaine façon quelque chose, j’évolue, je grandis en trouvant en moi des ressources inattendues… »
Une première exposition de ses créations à la braderie de Neuville-en-Ferrain en 2022 va changer son quotidien. « Le regard des personnes sur mon travail m’a fait beaucoup de bien. Leurs compliments, leurs encouragements à continuer sur cette voie m’aident infiniment.»
En travaillant cette matière vivante qu’est le bois, Carine y dépose en quelque sorte les souffrances causées par sa maladie. « La mise en lumière du bois, sa luminosité naturelle lorsqu’il est travaillé me font me sentir mieux. » Cette activité la « remet » dans la vie, lui permet de « se retrouver » à nouveau. Elle a aussi pris conscience qu’elle avait du talent. Ses créations qui s’inscrivent aussi dans un modèle d’économie circulaire sont à la fois belles et utiles.
La symbolique de l’arbre de vie
Ainsi est né Arbres 2 vies. Dans ces mots, avec lesquels elle aime jouer, qu’elle a choisis pour exprimer son travail, tout est dit, suggéré … Il y a de l’émotion, de la poésie dans les objets de Carine. Poli, façonné, sculpté, détourné, le bois, souvent porteur de cicatrices, de marques du passé, reprend vie, se réinvente sous les doigts de celle qui est devenue artisane.
En février 2024, Carine a pris contact avec la CMA de Lille et reçu un « très bon accompagnement » selon elle, pour réussir son projet d’entreprise avec le Pass CMA Liberté. L’année prochaine, elle aimerait participer au salon du Made in France par le biais de la CMA, mais son rêve secret, c’est de créer un atelier boutique. « J’espère vraiment pouvoir le réaliser un jour… Depuis que j’ai commencé cette nouvelle activité, j’ai rencontré des gens formidables. Ma passion est communicative et j’aime la partager. »
Un silence passe, puis elle ajoute, non sans émotion: « Mes objets voyagent, c’est un bout de moi que j’offre… De ma douleur, j’arrive à puiser quelque chose de beau. C’est tellement inattendu, inespéré… »
Son histoire nous rappelle toute la symbolique de l’arbre de vie, source de salut, après un long cheminement. Ce bois qui parfois renaît à la vie.
Photos CMA HDF
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