L’interview du Président Laurent Rigaud
Laurent RIGAUD est un artisan boucher de la métropole lilloise.
Artisan depuis 32 ans, il a développé plusieurs boucheries et dirige aujourd’hui une affaire familiale, accompagné de ses filles et d’une équipe de 15 personnes à Wambrechies.
Président du syndicat des bouchers des Hauts-de-France, il est également Vice-Président de la Région Hauts-de-France en charge de l’emploi et de la formation.
Réélu Président de la CMA Hauts-de-France à l’automne dernier, Laurent RIGAUD revient aujourd’hui sur la crise inédite que viennent de traverser nos artisans, et aussi sur les projets qu’il souhaite porter pour l’artisanat.
Bonjour Président, la crise sanitaire et désormais la guerre en Ukraine impactent l’économie et l’artisanat. On a envie de vous demander : comment allez-vous, vous l’un des 110 000 artisans des Hauts-de-France ?
Laurent Rigaud
Nous vivons une période inédite à laquelle personne n’était préparé ! La crise ukrainienne nous oblige à être plus que jamais vigilants, notamment concernant son impact sur la reprise et le niveau de consommation. Nous sommes également à l’écoute des artisans. Les deux dernières années, nous avons vécu des périodes de détresse, des périodes de doute et des joies aussi, fort heureusement. On a su s’adapter et répondre aux besoins des citoyens, des consommateurs, qui ont redécouvert le commerce de proximité. Nous avons été en première ligne et nous avons été essentiels ! Aujourd’hui, nous devons rester mobilisés afin de prévenir le risque inflationniste qui pourrait impacter la reprise.
Avec mes collègues élus à la Chambre de métiers, nous travaillons à sécuriser « aujourd’hui », le court terme, et à préparer demain. De cette crise il restera de nouveaux modes de consommer, de travailler, des aspirations environnementales également et nous devons préparer cette transition de l’artisanat pour le projeter à 2025 / 2030.
La proximité et le terrain sont deux de vos leitmotivs. Comment la CMA s’inscrit-elle dans le développement des territoires et comment collabore-t-elle avec les collectivités locales ?
L.R.
Nous avons une grande région, chargée d’histoire et avec ses spécificités territoriales. Prenons trois exemples :
• Nous jouissons d’une façade maritime exceptionnelle avec une offre artisanale qui est en partie axée sur l’économie touristique ;
• En parallèle, la région compte aussi de grandes métropoles urbaines avec une offre artisanale en partie axée sur une clientèle de salariés et clientèle d’affaires, qui, on le rappelle, est encore actuellement en partie en télétravail ;
• Nous avons également des territoires ruraux avec des offres artisanales bien différentes, une offre non sédentaire plus marquée, par exemple.
Vous voyez, notre action n’aurait pas de sens si nous ne la pensions pas en considérant nos spécificités territoriales.
Nous devons ancrer la CMA dans les territoires comme acteur majeur de l’économie de proximité ! Je dirais même l’économie des proximités, tant les territoires ont leur histoire singulière, leurs spécificités en matière de tissu économique et des ambitions différentes. Écouter et comprendre chacun des territoires pour mieux agir au quotidien, c’est l’un des enjeux majeurs que je souhaite amplifier grâce à nos élus et aux collaborateurs de la Chambre de métiers et de l’artisanat.
Pour cela, nous avons notamment inscrit dans la feuille de route des présidents de département, des présidents et membres des 24 commissions territoriales, un lien étroit avec les collectivités locales. Je rappelle également que nous faisons le choix de la proximité à travers nos 40 antennes sur l’ensemble de la région.
Un artisan qui a une question, un besoin ou un projet doit pouvoir saisir la Chambre de métiers et son élu de proximité directement, sans filtre ni barrière administrative !
Un des grands enjeux des territoires et des artisans va être la transition environnementale, quelles solutions la CMA Hauts‑de‑France met-elle en place ?
L.R.
La transition environnementale est un enjeu fort de transformation et de performance des entreprises. L’artisanat de manière générale, par sa nature, sa dimension territoriale et de proximité, a toujours été ancré dans une démarche vertueuse vis-à-vis des préoccupations environnementales.
L’évolution récente du comportement du consommateur et les leçons que nous tirons des dernières crises montrent que l’artisanat par sa valeur, sa proximité et son rapport au local est un acteur à part entière de la transition environnementale.
Nous sommes le seul véritable réseau de proximité à offrir des services et des produits qui incarnent les aspirations et les valeurs d’une part importante de la société qui souhaite une consommation plus raisonnée.
Pour autant, l’actualité c’est aussi l’envolée des prix de l’énergie par exemple. Cela nous rappelle combien nous devons aller plus loin ensemble dans la transition environnementale et même énergétique.
La CMA est présente sur ce sujet majeur et nous sommes même ambitieux. Nous avons ainsi déjà réalisé plus de 500 diagnostics Performa Environnement dans le cadre du plan France Relance et accompagné une grande majorité vers de nombreux dispositifs, dont le Booster à la Transition Écologique de la CMA Hauts‑de‑France.
Avec le recrutement de neuf nouveaux chargés de développement durable, nous continuerons à défendre notre première place nationale avec l’objectif de dépasser les 1 000 entreprises diagnostiquées avant la fin de l’année.
Autre grand défi auquel fait face l’artisanat : le numérique. Comment aider les chefs d’entreprises artisanales à prendre ce tournant capital ?
L.R.
La CMA a un rôle majeur dans l’accompagnement et la formation des artisans vers des organisations plus connectées à leurs clients et à leur environnement. Elle aide aussi à déployer des modes de fonctionnement plus performants grâce à des services numériques adaptés à l’artisanat. Nous voulons mieux identifier et soutenir des services numériques « pro économie de proximité », des services qui créent de la valeur pour nos artisans plutôt que de la capter.
Nous voulons aussi faire du numérique un vecteur de modernité de nos entreprises pour les rendre plus performantes et plus attractives. L’objectif est d’aller plus loin sur ce sujet, c’est pourquoi j’ai créé une vice-présidence à la transition numérique et au digital. Nous allons ainsi continuer à développer nos services et à accompagner les 110 000 artisans des Hauts‑de‑France, au plus proche de leurs problématiques. Et il y a encore fort à faire, notamment dans l’accompagnement à la visibilité des entreprises artisanales sur internet, la cybersécurité ou tout simplement la création de leur site marchand (4/5 TPE-PME n’en ont pas*).
Enfin, sur l’année 2021, nous avons réalisé plus de 900 diagnostics et 800 accompagnements dédiés au numérique.
Nous avançons et continuerons à nous mobiliser sur ce sujet stratégique !
L’année 2022 est déjà bien entamée, le premier trimestre est passé.
Quel message d’actualité souhaiteriez-vous faire passer aux artisans ?
L.R.
D’abord, comme je l’exprime régulièrement, la Chambre de métiers et de l’artisanat c’est votre maison, la maison des artisans. Nous continuerons à accompagner les artisans et l’artisanat.
Je rappelle nos 3 missions piliers à la CMA :
• Le développement de l’économie,
• Le développement des compétences,
• Et le développement territorial.
Nous sommes déjà au printemps. Je pense que nous devons collectivement investir dans la formation des jeunes, notamment par l’apprentissage. Nous le voyons, le secteur de l’artisanat a connu un “boom” des vocations. Le secteur étant très dynamique, nous avons de forts besoins de compétences. Nous avons besoin de jeunes pour accompagner le développement de nos entreprises et à moyen et long terme d’une génération de repreneurs.
Le sourcing des candidats est également un sujet d’actualité, le fil conducteur même des semaines à venir. C’est pour ces raisons que nous allons engager un programme « pro apprentissage » à la CMA et ferons également appel à nos partenaires de l’emploi. J’invite donc les artisans intéressés par l’apprentissage pour la rentrée à se manifester dès maintenant auprès des équipes locales.
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